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Affaire KPMG : un juge se récuse

Le juge Randall Bocock se retire d'une cause liée à KPMG.

Le juge Randall Bocock se retire d'une cause liée à KPMG.

Photo : Radio-Canada

Radio-Canada
Prenez note que cet article publié en 2017 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.

Un juge de la Cour de l'impôt se récuse d'un dossier mettant en cause un stratagème du cabinet comptable KPMG. Selon les émissions Enquête et The Fifth Estate, le juge Bocock avait participé à une soirée cocktail organisée par un cabinet d'avocats lié à l'affaire.

Un texte de Frédéric Zalac d'Enquête

Jusqu’à la semaine dernière, le juge Randall Bocock gérait la seule cause devant la Cour de l’impôt concernant le stratagème mis au point par KPMG qui consistait à permettre à des gens d’affaires canadiens de cacher des actifs derrière une société de l’île de Man, un paradis fiscal situé entre l’Irlande et l’Angleterre.

Les autorités fiscales ont imposé 6 millions de dollars en pénalités à une famille de Victoria, les Cooper, qui a fait appel de cette décision devant le tribunal.

Lors du congrès de l’Association de fiscalité internationale à Madrid en septembre dernier, le juge Bocock a assisté à une soirée privée sur une des terrasses les plus exclusives de la capitale espagnole. Les caméras de Radio-Canada l’ont filmé à sa sortie.

Ce cocktail privé était entièrement payé par Dentons, anciennement Fraser Milner, le cabinet d’avocats qui a fourni à KPMG un avis juridique validant son stratagème de l’île de Man en 1999. Selon l’Agence du revenu du Canada, ce stratagème visait à tromper le fisc.

« Même si on peut croire que le juge n’a eu aucune conversation dans ce cocktail [...], il ne doit pas se placer dans une situation où il risque d’être soumis à une influence ou même à une apparence d’influence », dit André Lareau, professeur en fiscalité à l’Université Laval.

La semaine dernière, le Conseil canadien de la magistrature a déposé une plainte contre le juge Bocock et deux autres juges canadiens dans la foulée du reportage d’Enquête.

« Dans les trois cas, il y aura un examen du Conseil sur les allégations ou la possibilité d’inconduite de la part de ces juges », a mentionné le directeur général du Conseil, Norman Sabourin.

Vous avez des renseignements à nous faire parvenir sur ce sujet? Vous pouvez joindre Frédéric Zalac par courriel à frederic.zalac@radio-canada.ca ou par téléphone au 604 662-6882.

Apparence de justice

Dans un document déposé en cour pour expliquer sa décision, le juge Bocock estime que l’enquête du Conseil canadien de la magistrature est suffisante pour qu’il se récuse. Il dit qu’il n’était pas au courant que le cabinet Dentons était lié à l’affaire KPMG.

« Ma conjointe et moi avons brièvement assisté à la réception qui était ouverte à tous les participants du congrès et à leurs invités », écrit-il. « J’étais conscient de tous ces faits mais j’ignorais que Fraser Milner (maintenant Dentons) était cité en référence dans les causes. »

Pourtant, le lien entre Dentons et l’affaire KPMG n’était pas un secret. Un article sur ce sujet  (Nouvelle fenêtre)avait été publié en juin dernier par CBC alors que le juge Bocock était déjà saisi du dossier.

Le juge Bocock ajoute qu’il est non seulement important que justice se fasse, mais aussi qu’il y ait apparence de justice.

« Bien que je n’aie pas eu encore à rendre de décisions relatives à ces causes, je pourrais être appelé à le faire à l’avenir. C’est une autre raison pour laquelle je me récuse. »

— Une citation de  Le juge Randall Bocock

C’est le juge en chef de la Cour de l’impôt, Eugene Rossiter, qui nommera un remplaçant au juge Bocock dans ce dossier. Or, le juge Rossiter fait lui-même l’objet d’une plainte du Conseil concernant des propos controversés qu’il a tenus au sujet de la participation de la magistrature à des soirées cocktail.

« Je peux vous dire qu’après que j’ai vu les reportages à Radio-Canada, j’ai décidé d’instituer une plainte, comme il est de mon devoir, en vertu de nos procédures, contre le juge en chef Rossiter et le juge Bocock », a mentionné Norman Sabourin.

Lors d’une conférence sur la fiscalité à Calgary en novembre dernier, loin de condamner la pratique, le juge en chef Rossiter l’a même encouragée. Il a dit qu’il allait lui-même continuer à assister à des réceptions.

« Nous mangerons de la pizza. Nous boirons du vin et nous en boirons beaucoup », a-t-il affirmé, suivi d’applaudissements.

Avant la diffusion du reportage, le juge en chef avait déclaré à CBC/Radio-Canada que « le juge Bocock ne s’est pas placé en situation de conflit d’intérêts en assistant brièvement à une réception ouverte à tous les participants de la conférence ».

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